A Tentazioni (Bordeaux), Giovanni Pireddu interprète une cuisine de produits instinctive et juste.
Il a grandi en Sardaigne dans une famille où « tout le monde aimait bien manger ». Giovanni Pireddu s’est frotté aux tables étoilées en Italie et en Corse, mais cuisinier dans l’âme, rebelle à l’élitisme, il ne pense jamais au Michelin quand il se rase. Point besoin des apparences et des étoiles pour croire à la gastronomie, l’assiette fait foi. Et, à Tentazioni, rue du Palais Gallien, à Bordeaux, les papilles averties sont d’emblée réjouies. Même le menu du jour (18 € ou 14 € entrée et plat ou plat et dessert) laisse un souvenir à l’instar des sardines fraîches marinées au citron, succulentes, des courgettes à la menthe savoureuses ou de la de brioche de pain perdu gourmande, parfumée à la vanille et accompagnée de framboises et d’une glace à la noix de coco.
Le chef déplore « le manque de personnalité des chefs qui donnent dans le faux gastro, le pseudo risotto, la pseudo raviole, les accords bizarres »
Entier, sans concession, Giovanni défend la cuisine identitaire, frontale et sans chichis, déplorant « le manque de personnalité des chefs qui donnent dans le faux gastro, le pseudo risotto, la pseudo raviole, les accords bizarres », une tendance valorisant le visuel, le décoratif, l’épate, oubliant l’essentiel, le produit et le goût. « Je n’ai rien inventé », prévient le Sarde qui définit ainsi son approche : « je travaille à ma façon des bons produits ».
Exemple : les spaghettis aux palourdes et à la poutargue doivent leur gourmandise à des grosses palourdes iodées du Mont Saint-Michel et aux œufs de mulet (poutargue) provenant de Sardaigne. Le quasi de veau rôti, le veau français engraissé en Italie et revenu en France pour l’abattage, a de la densité : sa saveur est bonifiée par la cuisson au sautoir avec sa graisse et l’accompagnement augmente les sensations gustatives en bouche avec l’amertume, le côté sucré des blettes gratinées au parmesan (pour la sapidité) et le côté terre et minéral (les girolles). Idem pour le Saint-Pierre – cuisson unilatérale douce – idéalement associé à des cœurs de salade grillés au basilic, à une petite vinaigrette orange et citron vert et à des pommes de terre vapeur juste écrasées. C’est instinctif et construit, juste et bon.
« Il vaut mieux un bon Prosecco qu’un mauvais champagne »
La carte suit les saisons, les plats sélectionnés sont d’abord servis dans les suggestions, l’approbation de la clientèle assure leur promotion. Tel le filet de bœuf du Limousin (huile d’olive et fleur de sel) que vient booster le poivron mariné dans du vinaigre de chianti (le sucré et l’acide), la mozzarella fumé (le côté animal) et le pesto de roquette (l’amertume). Outre le menu à 18 € (le midi) il existe deux menus à 33 € (3 plats) et à 43 € (4 plats). Les vins, principalement des vins italiens, se distinguent. On citera le blanc (Vénitie) Soave Casette Foscarini Garganeja 2012 du domaine Monte Tondo-Soave (29 €) ; le rouge (Piémont) Dolcetto d’Alba 2013 domaine Roagna I Puglieri (biodynamie) à 28 € ; pour le rosé, le château Galoupet 204 cru classé côtes de Provence (26 €).
Le Prosecco est de qualité et Giovanni a raison « il vaut mieux un bon Prosecco qu’un mauvais champagne ».
Un article de Jacques Ballarin publié dans le Mag Sud Ouest du 19 septembre 2015. Photo Quentin Salinier.
Tentazioni, 59 rue du Palais Gallien à Bordeaux. Tél. 05 56 52 62 12