La cuisine décomplexée et inventive de Sébastien Gravé bouscule le répertoire local et régénère l’assiette.
Le mail d’un copain bayonnais lui signalant la vente des Feuillantines, quai Amiral Dubourdieu à Bayonne, et ajoutant « c’est pour toi », propulsa Sébastien Gravé sur les bords de la Nive. « C’était un rêve de gosse », confie le chef-propriétaire de Pottoka, à Paris, désireux de revenir au pays –il est originaire de La Bastide-Clairence, à 25 kilomètres de Bayonne – sans pour autant lâcher la capitale où il s’illustra en décrochant 1 étoile (2007) aux Fables de la Fontaine avant d’ouvrir sa propre affaire (2011). Il est le premier de la bande du Sud-Ouest installée à Paris – Yves Camdeborde, Christian Etchebest, Philippe Tredgeu, Bertrand Bluy, Julien Duboué – à oser le retour en province et, à en juger par le succès de la Table de Pottoka, il tape dans le mille.
Le mot révolution n’est pas exagéré dans une ville où, à une ou deux exceptions près, les tables restent conservatrices
Pourquoi pareil engouement ? D’abord, Sébastien, qui est organisé et entouré, passe une semaine à Paris et une semaine à Bayonne. Sa présence ne se limite donc pas à un courant d’air. Sa personnalité, la convivialité, le partage, l’échange lui sont naturels. Un atout dans la sonorité humaine du restaurant. Tables rondes, tabourets de comptoir, tables d’hôtes, la sympathie est contagieuse, la veillée est à toute heure. Ensuite, la cuisine est découverte et révélation.
Le mot révolution n’est pas exagéré dans une ville où, à une ou deux exceptions près, les tables restent conservatrices, tendance propre au pays basque français moins novateur que le pays basque espagnol. Or, précisément, le style de Sébastien Gravé, la manière dont il s’approprie les produits du sud-ouest, les détourne, les met en relation avec d’autres produits et d’autres ingrédients, rend l’assiette inattendue, sexy et gourmande. Nous sortons de l’exécution de la partition connue, pour une cuisine vivante, qui se réinvente et se régénère et trouve son inspiration dans la spontanéité, l’instinct, la prise de risques.
Variante révélatrice des fourneaux éveillés, le cabillaud rôti au saté
Prenez le tartare de bar, Sébastien joue avec les goûts et les textures en l’associant habilement au lait de concombre, à une mousse au citron et à un sablé au parmesan. Idem pour la chair de tourteau qui flirte avec l’avocat, la glace moutarde et un gaspacho de tomates et le cabillaud servi en croûte de parmesan avec coriandre, aubergines et chou rouge. Ou, variante révélatrice des fourneaux éveillés, le cabillaud rôti au saté (condiment d’Asie du sud-est) flanqué de boudin noir et tagliatelles de seiche. Comme la chanson tombe juste – Sébastien n’a pas été étoilé par hasard -, vous dégustez une cuisine d’auteur facturée à petit prix - le menu carte, 6 entrées, 5 plats, 4 desserts, au choix coûte 35 €, et avec 10 € de plus, il vous est servi le menu dégustation à 5 plats. Ajoutez à cela le menu à 25 € le midi, les jours ouvrables où l’entrée et le dessert se choisissent à la carte – seul le plat du jour est imposé – l’offre est résolument attractive.
Un article de Jacques Ballarin publié dans Le Mag Sud Ouest le samedi 07 novembre 2015. Photo Jean-Daniel Chopin.
La table de Pottoka, 21, quai Amiral Dubourdieu à Bayonne. Tél. 05 59 46 14 94