La blanche, tendre et savoureuse, se plie volontiers à tous les caprices et se prête à tous les accompagnements, de l’amuse-bouche jusqu’au dessert.
Impossible de se passer de l’asperge blanche des Landes quand on est un enfant du pays, qui plus est chef étoilé. Dès qu’elle pointe le bout de son nez du sol sablonneux gascon, Christophe Dupouy, chef du restaurant Les Clefs d’argent à Mont-de-Marsan, s’en empare et la met au menu. Plutôt bonnarde, l’asperge des sables des Landes IGP (Indication géographique protégée) se prête à tous les caprices du chef.
Tombé dedans depuis la tendre enfance grâce à sa grand-mère, le chef montois a gardé en mémoire ses premiers émois et reste éperdument amoureux de cette demoiselle toute blanche, privée de soleil. « C’est un légume élégant, presque graphique, assez doux, avec juste une pointe d’amertume. Pas l’amertume désagréable, mais celle qu’on recherche tous un peu », explique le Landais.
D’abord, s’emparer des plus beaux spécimens. « Je préfère les extra-larges, de plus de 2,4 cm de diamètre. Plus c’est gros, plus c’est tendre. Plus c’est fin, plus c’est filandreux », prévient Christophe Dupuy. Pour la cuisson, rien de plus simple. Après les avoir pelées, il faut les plonger dans l’eau bouillonnante, avec une noisette de beurre, une pincée de sel et une pincée de sucre pour « ôter l’amertume ». Quatorze minutes minimum, voire plus si les asperges sont vraiment de beau calibre. Si la fourchette s’enfonce très facilement dans les légumes, c’est qu’elles sont cuites.
On peut les couper dans la longueur et les farcir avec des morilles, du ris de veau ou du foie gras
« Il y a toujours moyen de les déguster tout simplement, fondantes, les pointes trempées dans de la vinaigrette. Cela me rappelle mon enfance », explique le chef landais. Pourtant, vu le potentiel de la demoiselle, ce serait dommage d’en rester là. « Les asperges très grand format peuvent être farcies. Du coup, on allège le temps de cuisson pour leur conserver un petit croquant. On les coupe dans la longueur et on les farcit avec des morilles, du ris de veau ou du foie gras. Puis on les termine au four », détaille Christophe Dupouy.
Pour Pâques, le chef les a servies sous l’apparence de la simplicité : « Asperge blanche XXL, langoustine royale, presa et mayonnaise d’agrumes ». Cuites à point et refroidies, les pointes d’asperge sont couronnées de presa, délicatement grillée sous la flamme. « La presa, c’est un morceau d’épaule de cochon, le porc noir et rose du Pays basque. Sous l’action de la chaleur, la presa se recroqueville. Elle devient croustillante et translucide. Parfois, je remplace la presa par du papada, de la joue de cochon cul noir séchée. C’est très fondant », précise le chef, installé à Mont-de-Marsan depuis 2005 et étoilé au Guide Michelin depuis 2009.
Puis, Christophe Dupouy couche une queue de langoustine royale sur l’une des asperges. « Ce légume se prête vraiment à tout. Le marier à du poisson ou des crustacés, ça fonctionne ! », s’étonnerait presque le chef montois, passé par la Villa des Lys de l’hôtel Majestic, à Cannes, le restaurant Michel Sarran à Toulouse, et Chez Ruffet à Jurançon, avant de revenir dans sa contrée natale.
De temps en temps, je propose un menu spécial asperges, des amuse-bouches jusqu’au dessert.
Une fois que tout ce petit monde est installé sur l’assiette viennent les points de détail qui changeront tout. D’abord, un ou deux brins de thé du jardin, appelé aussi mélisse de Moldavie ou tête-de-dragon, à la fragrance citronnée. Puis quelques gouttes de mayonnaise aux agrumes. « C’est une base classique à laquelle je rajoute des huiles essentielles de pamplemousse, d’orange ou de mandarine. Une ou deux gouttes, pas plus ! », précise Christophe Dupouy, qui incorpore ensuite de la crème fouettée à la mayonnaise, pour plus de légèreté (200 g pour 25 cl).
Quel vin pour accompagner l’asperge ? « Que du blanc ! », s’exclame le cuisinier étoilé. Du blanc d’ici. Avec le château-tour-blanc, de Sandra et Philip Kelton, ce sont les différentes facettes du cépage ugni blanc qui s’expriment, qui plus est en biodynamie. Cela donne un vin « aromatique et exotique, tonique et tranchant ».
Pour ceux qui en demandent encore, Christophe Dupouy a de l’asperge en réserve sous la toque : « De temps en temps, je propose un menu spécial asperges, des amuse-bouches jusqu’au dessert. Je mixe de l’asperge blanche crue avec des fruits de la passion et des fraises. Ça marche très bien. » Décidément, de bout en bout, l’asperge reste à la pointe du goût.
Les Clefs d’argent, Christophe Dupouy, 333, avenue des Martyrs-de-la-Résistance à Mont-de-Marsan. Tél. 05 58 06 16 45.
Un article de Benoît Martin paru dans le journal Sud Ouest le 24 avril 2014.