Franck Descas, à Bordeaux, varie les plaisirs et surprend avec la « belle captive ».
Le Blayais, la Camargue, les Landes, le Lot-et-Garonne ; la blanche, la verte, la violette, Franck Descas acclimate l’asperge d’où qu’elle vienne et quelle que soit la couleur. Ce Martiniquais doué et cool refuse la dévotion -le respect immodéré du produit-  , il essaye, innove, s’amuse. Franck avait un grand-père qui ne mangeait jamais la même chose, sa grand-mère inventait régulièrement des recettes, cette capacité à trouver le marqua enfant et, il en est convaincu, lui donna l’envie d’être cuisinier. Après une expérience de 10 ans à Saint-Gervais, entre Saint-André-de-Cubzac et Blaye, en Gironde – la table les Sarments –, il officie depuis décembre 2012 à l’Atelier de Franck, quai des Chartrons, à Bordeaux (1), dans un lieu de pierre et de lumière à l’allure contemporaine où cohabitent bistro et restaurant et où la « belle captive » s’invite actuellement.
Crue, en salade, avec combava et ciboulette
Elle est décomplexée, traduisez que le chef, qui tient à distance l’asperge cuite à l’eau salée accompagnée de l’éternelle vinaigrette va la chercher là où on ne l’attend pas. Crue, en salade, émincée très finement, assaisonnée de combava râpé et de ciboulette, pour la fraîcheur et le parfum. Ou, crue encore, trempée dans la tempura (une enveloppe croustillante, surtout pas un beignet, à base d’eau, de farine de riz), préparation succulente avec, pour titiller l’assiette, une crème au petit fromage blanc et au tandoori dans laquelle vous glissez votre asperge en tempura.
Le must est la crème d’asperges cuite au four comme un flan et servie avec un tartare de gambas, une crème fouettée citronnée et une sauce au chien, spécialité des Antilles et de la Martinique (mélange d’huile d’olive, de petits dés de tomates, d’échalote, de cébette, d’ail et de persil haché, de jus de citron dans lequel on met un peu d’eau chaude au dernier moment pour infuser sans cuire).
Franck Descas, toujours éveillé, prompt à suivre son inspiration, excelle également dans l’art de sublimer le poisson
Cette touche exotique n’abîme pas le goût, l’asperge est bien présente et, le pistou à l’ail des ours (ail sauvage), embellit l’échange des saveurs. Ce qui pourrait relever de l’exercice périlleux est réussi car le chef est dans l’emploi juste des ingrédients. Le parti-pris est de cuisiner l’asperge, de la sortir de sa représentation solitaire, de lui donner plusieurs vies. C’est caractéristique de la manière de Franck Descas, toujours éveillé, prompt à suivre son inspiration, qui excelle également dans l’art de sublimer le poisson.
Le menu bistro le midi est facturé 16 euros avec le petit chariot de desserts concoctés par Timothé, le fils de Franck, Compagnon du Devoir en pâtisserie. Le restaurant propose deux menus (39 et 59 euros), la carte des vins valorise le bordeaux ; on mentionnera pour le blanc le château Brown 2011 (49 euros) et le château Haut-Bergey 2009 (64 euros), deux appellations pessac-léognan, et, pour le rouge, le saumur-champigny château de Parnay 2011, vin des pays de la Loire (38 euros).
Un article de Jacques Ballarin publié dans Sud Ouest Le Mag le samedi 24 avril 2015.
(1) L’Atelier de Franck, 80 quai des Chartrons, à Bordeaux. Tél. 05 57 87 67 72.